Si j'avais su

Je suis l’homme qui s’est tu.
Celui qui a regardé la lumière
Et qui a eu peur d’y brûler.

Elle était là, entière,
Pas à moitié femme, pas à moitié là.
Elle offrait sans enfermer,
Parlait vrai sans réclamer,
Aimait sans poser de chaînes.
Et moi, j’ai reculé.

Je me croyais libre,
Je disais que je ne voulais pas qu’on m’attache.
Mais elle…Elle ne m’aurait jamais attaché.
Elle aurait marché à mes côtés,
Fière, vive, imprévisible —
Une flamme qui danse, pas qui enferme.

Mais j’ai vu en elle ce que je n’étais pas prêt à être.
Quelqu’un de vivant, de courageux,
Quelqu’un qui ne triche pas.

J’ai laissé mes silences parler pour moi,
Mes absences poser des points finaux.
Que je n’assumais même pas.

Je n’ai pas su répondre.
Ni à ses mots, ni à sa présence.
Parce que je savais
Qu’elle aurait vu en moi ce que je cache aux autres.

Elle ne m’aurait jamais réclamé.
Elle m’aurait choisi,
Mais libre.
Et c’est ça, je crois,
Qui m’a le plus effrayé.

Je suis l’homme qui n’a pas su rêver.
Et aujourd’hui,
Je la perds sans l’avoir jamais vraiment tenue.

Si j’avais su aimer
Comme elle sait exister,
Je ne l’aurais jamais laissée partir.

Retour

Ni toi, ni ton ombre  

Tu t’es caché derrière des traditions éphémères,
Sous des silences lourds et des promesses amères.
Tu m’as crue égarée parmi tes soirs sans lendemain,
Alors que je portais l’univers entre mes mains.

Ton absence a parlé plus fort que tes mensonges,
Tes détours, tes non-dits, t'ont livré sans réponse.
J’aurais compris ton pas si tu l’avais nommé,
Mais tu as préféré fuir sans jamais affronter.

Et moi, aujourd'hui, j'écris.
Pas pour toi.
Pas pour ton ombre fanée dans quelque recoin froid.
J’écris pour l’amour, j’écris pour l’univers,
Je danse dans l’encre libre de mes propres éclairs.
Tu n’es qu’un souffle éteint aux portes de ma route,

Un écho sans racines, effacé par mes doutes.
Alors n’ose jamais croire en croisant mes silences
Que ton nom habite encore mes errances.
Car mon ciel est à moi, mon feu est souverain :
Je t'ai laissé derrière, au bord de mon chemin

Gueules cassées

Ils sont revenus sans fanfare, sans lumière,
Le visage tordu, mais le cœur droit et fier.
La guerre a gravé sur leur chair la douleur,
Des cicatrices d’acier, des masques sans couleur.

On détourne les yeux quand ils passent,
Car leur silence hurle ce qu’on efface.
Ils ne demandent rien, ni pardon ni pitié,
Juste qu’on se souvienne de leur humanité.

Leur beauté d’avant dort sous les bandages,
Mais leurs yeux parlent, au-delà des visages.
Ce sont des héros que l’on cache aux enfants,
Des âmes debout, mais des corps vacillants.

Ils ont tout donné, jusqu’à leur reflet,
Pour des drapeaux, pour des rois, pour la paix.
Et quand le canon s’est enfin tu,
Ils ont vu leur nom s’effacer dans la rue.

Mais moi, je les vois, dans leurs gestes tremblants,
Dans leurs silences lourds, dans leurs mots vacillants.
Ils ont le visage des hommes debout dans la nuit,
Des éclopés de l’histoire, qui marchent, sans bruit. 

Petite Fille (Zitella)

Vole, vole, petite fille (Vola, vola zitella)
Loin de la nuit et du brouillard,
Loin de la haine et du péril,
Loin des ombres aux cœurs trop noirs.

Danse, danse, petite fille (Balla, balla, zitella)
Sur les sommets bercés de vent,
Où les Aiguilles fières, se dressent,
Sculptées par le souffle du temps.

Ris, ris, petite fille (Ridi, ridi, zitella)
Ton île fredonne ton beau prénom,
Les flots murmurent des mots anciens,
Des échos d’âmes dans le vent marin.

Chante, chante, petite fille (Canta, canta, zitella)
Dans les secrets des nuits d’hivers,
La voix des anciens te fait cortège,
Portant ton âme à l’infini.

Mais ne pleure pas, petite fille (Ma un pienghje micca, zitella)
Le maquis t’offre son doux parfum,
Et ses immortelles, fières et fragiles,
Bercent ton âme jusqu’à demain.

Ecoute, petite fille (Ascolta, zitella)
Les arbres soufflent d'anciens secrets,
Leurs racines touchent la terre sacrée,
Tu es l’essence de cette force, enracinée.

Dors, dors, petite fille (Dormi, dormi, zitella)
Dans l’étreinte des oliviers,
Les voix d’antan te font promesse,
Tu es le vent, l’éternité.