Prologue
Tome II
Je n’ai pas grandi avec leur nom sur les lèvres. Pas de portraits au mur. Pas de récits de veillée. Juste une boîte, oubliée dans le fond d’un grenier.
Un carnet mangé de sel, couvert d’une écriture penchée, parfois effacée par le feu, par l’eau ou par la peur.
La première fois que je l’ai ouvert, j’ai cru qu’il parlait d’une autre.
D’une femme perdue dans une île rugueuse, aux mots taillés comme des pierres.
Puis j’ai entendu la voix de Maddalena. Pas une voix douce. Pas une plainte. Une voix rugueuse, droite, tressée de silence et de cendres.
Elle disait : "Ils croient que les morts se taisent. Mais c’est parce qu’ils n’ont jamais appris à écouter."
Puis est venue Francesca. Plus vive, plus tranchante.
Elle disait : "Je n’ai pas de père, mais j’ai un nom. Et ce nom est une arme."
Lucia, elle, murmurait. Presque un souffle. Mais ses gestes racontaient ce que ses lèvres n’osaient pas.
Giulia n’écrivait pas : elle brûlait. Elle laissait des marques, des signes.
Et Élise… Élise ne parlait que dans une autre langue, une langue que même les prêtres avaient oubliée.
Une lignée. Non pas de sang.
Mais de feu. Chaque femme, une étincelle.
Chaque siècle, une braise rallumée dans l’ombre.
Elles n’ont pas laissé de royaumes. Elles ont laissé des cicatrices.
Et des mots. Griffonnés à la hâte, murmurés dans le noir, tatoués dans le ventre des pierres.
Je m’appelle Anna Bartoli.
Je suis née loin des montagnes, loin de l’île, loin des couteaux de cuisine affûtés au vinaigre.
Mais ce nom, un jour, s’est mis à vibrer dans ma bouche.
Et j’ai compris que je n’étais pas la première à chercher.
Ni la dernière à entendre.
Alors j’ai ouvert le carnet. Et j’ai commencé à écrire.